b) E 99 UC-NRLF H >p %D > 3 m ELATION DE LA Miffion Abnaquife DE T. FRANCOIS DE SALES \j L Annee 1702. ar le Pere JACQUES BIGOT, De la Compagnie de Jefus. NQUVELLE-YORK : PRESSE CRAMOISY DE JEAN MARIE SHEA. M. DCCC. LXV. r K : JjJ DELA MISSION DE ST. FRANCOIS DE SALES. ON Rev. Pere : Le grand nombre de Sauvages que j ai eu ici depuis le depart des vaiffeux, et la maladie qui les a prefque tous attaques, m a donne tant d exercice, que je n ai pas eu le temps de commencer ma relation, depuis deux ou 3 mois ; mais je la commence parce que je viens de voir un jeune homme dont je defefperois 4 De la Mi/ton quafi de la converfion. Voyant qu il etoit prefque Punique, qui me donnoit de la peine pour fes exces dans la boiiTon, il m eft venu trouver et m a demande de faire quelque rude penitence pour fatis- faire a Dieu pour fes debauches : ensuite il a voulu abfolurnent f engager a promet- tre a Dieu non feulement de ne plus Pen- nivrer, mais meme de ne plus boire de boiffon enivrante, quelque chofe que je lui ai reprefente fur la difficulte de 1 execution d une telle promeffe. II eft vrai qu il ait devant les yeux des exemples de perfon- nes qui etoient auffi adonnees a la boiffon que lui, qui ayant fait une telle promeffe a Dieu depuis plufieurs annees la gardent inviolablement. Vous ferez furpris de la converfion qu ont fait depuis peu nos fau- vages, qui fe fentoient plus portes a boire. Us ont refolu lors qu ils feront obliges d aller a Montreal ou aux trois rivieres, ou ils ne pouvoient aller auparavant aller fans fy enivrer, de mettre un depot dans de St. Franqois de Sales. 5 PEglife avant que de partir. Us gardent depuis aflez longtemps leur convention, et je n en ai encore vu aucun, qui ait perdu fon depot, fe laiflfant aller malheureufe- ment a boire; quelque follicitation que leur ayent faite les franfois pour les obli- ger a quitter leur refolution. Ce change- ment paroit tout a fait furprenant aux franfojs, qui difent hautement qu ils voient bien que ces fauvages veulent prier Dieu tout de bon. Une jeune femme venant de perdre un de fes enfants m a demande deux chofes auffifot apres la mort de fon fils, la icre de fairefur 1 heure meme quelque mortification pour obtenir de Dieu la grace d accepter avec patience la mort de fon fils ; la feconde la permis- fion de communier afin que J. C. la con- folat. Quelque temps auparavant il lui etoit mort encore un de fes enfants, et il ne lui refte plus qu un fils, elle a une fer- veur admirable pour Pinftruire et lui in- fpirer la piete. 6 De la MiJJlon Le jour de la prefentation de la St. Vierge, nous perdimes unjeune homme age de 25 ans, nomme frar^ois Xavier, je ne puis vous dire avec quel empreffe- ment, ilademande les derniers facrements, et le defir qu il avoit de voir au plus tot dans le ciel notre Seigneur et fa Ste. mere. II y a longtemps qu il etoit malade, il a fait paroitre une patience admirable pendant fa maladie, et que tout languiffant qu il etoit, il faifoit tous fes efforts pour fe trainer a PEglife, et il a voulu meme f y trans porter pour recevoir le St. Viatique. Un autre nomme Ignace, deux mois apres f etre parfaitement converti, tellement que j admirois, et fa ferveur dans tous les exer- cices de piete, et fa conftance a nevouloir pas meme aller dans les lieux ou il f etoit autrefois enivre y eft mort com me fubite- ment, n ayant etc malade qu un jour, il me dit quelques jour avant fa mort, qu il ne fe contentoit pas de la convention qu a- voient fait les autres lorfqu ils iroient dans de St. Franqois de Sales. 7 les lieux ou ils avoient coutume de Penivrer; mais qu il vouloit abfolument Finterdire les lieux, connoiflant trop fa foibleffe fur la boiffon. II a ete conftant jufqu a la mort, dans cette bonne refolu- tion, et il a eu en mourant des fentiments fi chretiens que je crois que Dieu a voulu faire connoitre la grandeur de fa miferi- corde dans ce nouveau converti, qui avoit ete un des plus debauches qu on voit parmi les fauvages. Quand cette miflion a commence ici, il eft venu f y retirer pour y trouver une auffi heureufe mort que celle dont je viens de parler. Aux fetes de Noel, je baptifai Tancien capitaine de ce lieu ici, et fa femme. Je n en ai prefque point vu depuis que je fuis avec les fauvages, qui aient fait paroitre plusde ferveur que cet homme et cette femme pour fe preparer au St. Bapteme. II y a 7 ou 8 mois que je vois de jour en jour croitre la ferveur de ces deux bonnes per- fonnes, mais furtout j ai admire la charite 8 De la Mi/ton qu ils ont fait parotre a fecourir par leurs aumones ceux qui n avoient pas encore pu faire ici de grands champs; Tun et 1 autre depuis longtemps menent une vie tres chretienne et avoient un defir extreme de fe faire inftruire. Auffi n ont-ils pas prefque manque une inftruction de toutes celles qu on a fait ici aux enfants, et quoi qu ils foient baptifes depuis plus de deux mois, ils continuent toujours d y affifter. Le bruit commun ici eft que cet ancien capitaine commen9a il y a quelques annees a fe retirer des debauches par une viiion qu il eut de 1 Enfer qui Peffraya fi fort, que des lors il protefta qu il ne boiroit plus, et dit hauternent qu il connoifToit combien les ivrognes etoient tourmentes dansTEnfer. C eft un homme qui a Tefprit vif, et probablement cette pretendue vifion, n a etc qu un efFet de la vivacite de fon imagination, quoi qu il en foit, depuis ce temps, il a ete fortement follicite a boire, et il le fut encore d une maniere plus forte avant de St. Francois de Sales. 9 avant fon bapteme. II a conftamment refifte a toutes ces follicitations ; 1 autre ancien capitaine de ce lieu ici, etant tombe dans le feu dans fon ivreffe avoit eu pres- que tout le corps brule et penfa mourir. Cet accident arriva quelque temps avant que je vinffe ici, ce fauvage fe voyant prefque a 1 extremite, protefta a ce qu on dit, que f il en rechappoit, il fe mettroit a prier Dieu tout de bon. II n a pas en core profite de cet accident, il eft Punique de tous les fauvages qui font ici qui ne veut point prier Dieu, quelque forte in- ftrudtion que je lui ai faite pour Yy en gager, je ne puis vous dire le deplaifir que fon endurciffement donne a tous les chre- tiens de cette miffion, ils font fur le point de ne le reconnoitre comme chef, a moins qu il ne prenne au plustot de meilleures penfees. Nos fervents chretiens ont telle- ment prefle un vieux jongleur, qui etoit ici avant qu on y etablit la miflion, de quitter fes jongleries et de fe faire chretien, B 10 De la Miffion qu ils 1 ont enfin gagne, et il paroit ef- fedlivement convert!. Je me fuis defie pendant plufieurs mois de lui, apprehen- dant que fon exterieur ne fut trompeur, mais de la maniere qu il prie Dieu <et qu il vit maintenant, je n ai plus fujet de douter de la fincerite de faconduite. En verite fouvent nos bons chretiens, reuf- fiflent plus dans les exhortations qu ils fe font entr eux queje nepuisfaire par toutes mes inftructions. II y a deux ou trois jours qu un de nos jeunes hommes, qui a preique entierement perdue la vue par un accident me difoit, ce me feroit une grande confolation, fi je pouvois aller me faire in- ftruire dans la cabanne d un tel, il me donneroit de bonnes penfees, dans mon mal, en Tentendant parler de Dieu comme 11 en parle. Le fauvage qu il me nommoit, a perdu auffi la vue par deux differens ac cidents, il charme tout le monde par la patience avec la quelle il prend 1 etaf ou il eft, et ne pouvant plus travailler, il met de St. Franqois de Sales. 1 1 toute fa confolation a parler de Dieu, foit a ceux qui demeurent avec lui, foit a ceux qui le viennent voir. II m envoya querir, il y a quelques jours, et ayant prie les affiftans de fe retirer; voici les paroles confolantes qu il me dit, je ne fuis plus en etat, mon pere de tra- vailler pour gagner quelque chofe, dont je fouhaiterois faire prefent a J. C. Je n ai plus rien que mon corps a lui prefenter, il faut maintenant que je le mortifie par les difciplines et le jeune, ne pouvant plus prefenter maintenant a N. S. que ces mortifications. Comme on ne lui donnoit qu une difcipline de cordes, parce qu il etoit deja affaibli par la maladie et par la vieilleffe, il demanda inftamment une dis cipline de fer. II f eft regie de lui meme de longues prieres qu il fait feul dans fa cabanne foir et matin outre celles qui f y font. Sa femme et une grande fille qui eft 1 unique enfant qui lui refte, font auffi deux de nos ferventes chretiennes. J ai 12 De la MiJJlon admire ce matin la maniere tres forte, dont Dieu touche nos pauvres lauvages, aux moindres inftructions qu on leur fait. J a- vois laifle une petite inftruction dans la vi- lite d une cabanne : environ deux heures apres allant vifiter les autres, une de nos chretiennes, quifetoit trouvee a cette in- ftruction, m est venue dire qu elle fe fentoit fi vivement touche de ce qu elle avoit en- tendu qu elle ne pouvoit fonger a autre chofe qu aux peines du purgatoire, et m a demande en meme temps de faire quelque penitence pour commenceraappaifer Dieu des cette vie. On feroit etonne en France d*apprendre la vie mortifiee que menne cette bonne chretienne,ettoute ma peine eft de moderer les defirs qu elle a de faire toutes les mortifications que font les religieufes les plus aufteres, elle a un fi grand amour de la purete qu elle ne veut pas entrer que par neceffite dans les cabannes ou il y a des hommes. II y a 4 ou 5 jours que^la voyant abattue par le jeune, je lui ordon- de St. Francois de Sales. 13 nai au moins de manger ce qu elle avoit. Je voyois proche d elle un petit orphelin a qui elle donnoit a manger, elle me dit, je ne puis m empecher de me priver de ce que j ai, tant ce pauvre enfant me fait companion. II y a douze ans qu elle menne une vie des premiers chretiens, elle ne veut pas entendre parler d etre mariee, elle Peft eloignee par vertu depuis plufieurs annees de tout ce qu elle a de parents, quelques efforts qu ils aient fait pour la ramener dans leur pays, elle me dit de temps en temps qu elle a de la joie de fe voir denuee pour 1 amour de J. C. de toutes les petites commodites qu elle auroit fi elle etoit avec fes parents. Une de nos nou- velles chretiennes ayant entendu il y a pres de 3 femairies lapaffion de J. C., m est venu dire aujourd hui, qu elle n avait pu f empecher des lors qu elle entendit pour la i ere fois ce que J. C. avait fouffert pour elle de lui demander de fouffrir auffi pour lui, et qu elle 1 avoit prie des ce moment 14 De la Mijfion qu il^lui envoyat au moins quelque ma- ladie,[puis qu elle n avoit rien autre chofe a foufFrir pour lui, elle ma a joute, je crois que notre Seigneur m a accorde ce que je lui ai demande, car prefque dans ce temps la je fuis tombee malade et en fuis par- faitement contente. Une autre en eft venue jufqu a demander a Dieu qu il la rendit li diftorme, que jamais elle ne plut a aucun homme, elle m a dit qu elle n eut pas ii tot fait cette priere que Taccident qui l a rendue boiteufe, et Toblige de porter un baton lui arriva, elle eft fort bien faite de vifage, elle benit tous les jours Dieu de lui avoir envoye ce mal ; je ne puis vous dire les defirs qu elle a de foufFrir quelque chofe pour J. C. ; et toute incommodee qu elle eft, on ne peut fe difpenfer de lui accorder la permiffion de faire quelques penitences tant elle les demande inftam- ment. Je n ai pas vu de jeunes fille plus travailler a fe vaincre elle meme que le fait cette vertueufe fille, elle ajpeur de de St. Francois de Sales. 15 donner trop a 1 amour qu elle reflent pour fa foeur ainee, et elle reprime tous les jours les moindres defirs qu elle a de Taller voir, quo! qu elle la mande con- tinuellement, elle me dit qu elle eft prete d offrir tous les jours a N. S. les delirs qu elle a de voir fa fceur qui eft eloignee, fachant qu elle ne pourroit pas fi bien prier Dieu, fi elle etoit avec fa foeur, qu elle lefaitici. Depuis environ 3 mois quej ai interrompu cette petite relation, par ce que 9 a e te le temps auquel nos fauvages m ont donne plus d exercice, 4 perfonnes fe font converties d une maniere qui m a donne bien de la confolation, et qui m en donne bien tous les jours, voyant de jour en jour une grande augmentation de fer- veur de ces perfonnes dont j avois aupara- vant fi peu d efperance de leur converfion. Quoiqu elles fuflent baptifees depuis long temps, il y a bien des annees qu elles T etoient eloignees de tous les exercices du chretien. Le plus confiderable de ces 1 6 De la Mi/ton fauvages eft un capitaine des foquoquiois que j avois baptife, il y a environ 15 ans, f etant remis tout de bon a ecouter les in- ftrucftions que je fais ici, il eft depuis deux ou trois mois toujours le premier a tous les exercices de piete, et je le remarque tou jours avecjoie, des le moment quejefonne la cloche de 1 Eglife y entrer incontinent, mais ce que j admire d avantage en cet homme &ge d environ 55 ans c eft que des le moment qu il f eft declare, qu il vouloit tout de bon changer de vie, il f eft tout entier retire de la boiffon, ne voulant pas meme boire un feul coup, luiqui etoit un ivrogne acheve. Deux jeunes hommes Tont imite dans cette refolution, et fe font rendu ici depuis quelques mois, apres avois demeure plufieurs annees, errans de cotes et d autres pour chercher les occa- fions de f enivrer. Un chef de Abnaquis, m eft venue trouver auffi depuis huit jours, et m a dit qu il vouloit abfolument quitter 1 ivrognerie apres avoir ete vaga bond de St. Francois de Sales. 17 bond pendant plus de 19 ans avec les Ab- naquis le plus adonnes a la boiflbn. II paroit charme du reglement quil voit par- mi le fauvages de cette miffion, et il m a encore aflure ce matin qu il vouloit abfolu- ment demeurer ici. Sa femme qui etoit encore plus attachee que lui a 1 ivrognerie paroit auffi fort contente de fe voir ici, eloignee des occafions de boire. II y a longtemps que je fouhaitois la converfion de ces deux perfonnes la. Je ne defes- pere pas de voir bientot ici tout ce qu il y a d Abnaquis de Soquoquois et d Algon- quins aux environs de Montreal et des 3 rivieres que le libertinage porte a chercher de tous cotes a f enivrer. J ai fait quel- que excurfions a Montreal et aux 3 rivieres, dont j ai retire une centaine de vagabonds qui fe font rendus ; plufieurs font fur le point de les imiter, et j espere avec la grace de Dieu que les autres fe convert!- ront auffi. J ai en deux conferances etant a Montreal avec le chef des Algonquins C 1 8 De la Miffion et lui ayant reprefente les defordres ou il etoit depuis tant d annees qu il Petoit eloigne des inftructions que je lui avois faites. J ai en la confolation deux jours apres d apprendre des fauvages a qui le chef venoit de parler qu il vouloit abfolu- ment fe ranger a fon devoir ; qu il fe fen- toit touche de ce que je lui avois dit, quoi- qu il ne m eut pas repondu un feul mot. En effet le voyant en un fi profond filence a tout ce que je lui remontrois, je me con- tentai de lui dire : adieu mon ami, faites reflexion a tout ce que je viens de vous dire. La femme de cet homme eft ici, elle prend avec une patience admirable 1 exercice que lui donne Ton mari qui Ta abandonnee pour prendre d autres femmes dans la boiffon, elle eft dans une tres grande ferveur, et quoi qu elle ait etc obligee fouvent pour fuivre fon mari de fe trouver dans les lieux d ivrogneries, tout le monde rend temoignage a cette vertueufe femme que jamais on n a pu la faire boire, de St. Francois de Sales. 19 et que dans tons ces lieux elle etoit auffi reglee et exacte a fes prieres, comme li elle eut ete dans les lieux de la miffion, depuis 22 ou 23 ans que je la connois, je Pai toujours vue dans egale conftance pour tous les devoirs de chretien. J ai fait faire depuis un mois la lere communion a fon fils aine, et a fa plus grande fille, ces deux enfants imitent parfaitement la fer- veur de leur mere, et ilsparoiffent fe por ter aux chofes de Dieu d une maniere qui n eft pas commune aux enfants; fon fils aine m eft venu trouver fouvent pour me prier de lui permettre de faire quelques penitences pour fatisfaire a Dieu pour fes peches. II a un defir extreme de fe con- ferver dans Finnocence, et eft age d en- viron de 16 ans. Une de mes plus grandes occupations ici eft de tacher d infpirer a tous le jeunes gens de cet age une grande horreur du peche et du liber- tinage : auffi une de mes plus grandes joies eft de voir avec qu elle tendrefle de 20 De la MiJJlon confcience ces pauvres enfants viennent me dire les fautes qu ils ont faites lors- qu ilsfefont un peu oublies d eux memes, et qu il leur eft echappe quelque parole ou quelque adlion trop libre. La veille de St. Ignace, je fus extremement touche voyant un jeune homme de 24 ans fe Jeter a mes pieds, et me dire en pleurant, c eft tout de bon que j ai un grand regret d avoir offenfe Dieu, et je t aflure que je m en vais mener une vie tres reglee. En eftet il la menne depuis deux mois, et me donne bien du contentement, apres m a- voir donne un peu d exercice, une autre perfonne environ de cet age, fen etoit enfui d ici, il y a deux mois par un pur de fir de mener une vie libre : la maniere dont elle fetoit retiree d ici me faifoit tout apprehender pour elle, et me faifoit defes- perer de la revoir ici. J ai beni Dieu de la voir revenir avec de tres grands fenti- ments de douleur de fen etre auffi retiree, elle a voulu pour cela faire plulieurs de St. Francois de Sales. 2 1 penitences. En voyant cette conduite dans nos pauvres fauvages, je fais fouvent cette reflexion voit on plufieurs franfois re- tourner ainfi a Dieu,lorfqu ils fe font laifles alleraunevieunpeulibre. Ayantete oblige de mener il y a quelques jours trois des plus confiderables fauvages a Montreal, tout le monde me difoit en admirant leur renue : Sont cela ces gens qui etoient autre fois apres a boire. Cela fait confufion aux fran9ais de voir ces nouveaux chretiens (i changes. Us y etoient alles pour rendre comte a Mr. de Calliere notre governeur du pourparler qu ils avoient eu avec 1 Anglais et des reponfes qu ils avoient faites a toutes fes demandes. Tout le monde a etc ravi ici de la maniere forte et fpirituelle dont eux et ceux qui les ac- compagnoient ont repondu a 1 Anglais. Je vais vous dire en deux mots leurs princi- pales reponfes. Comme on leur propofa d abord de reconnoitre le roi d Angleterre 2 2 De la Mijfion pour leur pere, ils repondirent a celui qui leur portoit cette parole, vous nous prenez pour des orphelins, vous croyez que nous n avons pas de pere, et tout ce que nous pouvons faire maintenant en consideration de celui que vous voulez donnerpour pere, c eft que nous le regarderons maintenant comme notre oncle ; et a la feconde parole qu on leur porta de fermer tous les chemins qui les menoient chez les franfais, afin par la de fe tenir plus unis enfemble, vous ne vous fouvenez pas repondirent ils, de ce que vous avez dit il y a quelques mois, que la paix etant generate, vous veniez pour aplanir tous les chemins pour aller librement de cotes et d autres, et vous les voulez maintenant fermer, cela ne fe doit pas faire, fachez que jamais vous ne nous fermerez les chemins qui nous mennent aux fran^ais. Au moins nous vous demandons leur repliqua-t-on, que li dans la fuite nous avons quelque demelee avec de St. Franqois de Sales. 23 k fran9ais, vous nous laiffiez battre en- femble fans prendre le parti. Nous aurons bien de la peine, repondirent ils, de ne pas joindre nos armes a celles des fran9ais. Vous etes la caufe de tous les troubles que nous avons ici avec les franfais. Jamais repondirent ils, nous n avons ete la caufe de la guerre, jamais nous n avons attaque les premiers, mais quand on nous attaque vous favez que nous nous fommes parfaite ment defendus. On leur prefenta enfuite 3 miniftres que les Anglais avoient amenes avec eux pour les mettre dans les 3 bourgades des Abnaquis a la place des miffionnaires Jefuites qu ils avoient. Les Abnaquis ne vouloient pas feulement re- garder ces miniftres et dirent al Anglais qui les leur prefentoient. Vous vous y prenez bien tard a nous vouloir inftruire dans la priere Depuis tant d annees que nous vous connoiflbns; le fran^ais a ete bien plus fage que vous, car d abord que 24 De la Miffion nous 1 avons connu, il nous a apprit abien prier Dieu, et nous prions maintenant mieux que vous. L orateur Abnaquis f etendit fur la maniere differente de prier, des fran9ais et de celle des Anglais fachez qu on nous otera plutot la vie que de nous faire prier autrement que nous ne faifons. Les Anglais leur dirent qu on ne vouloit pas leur forcer la deffus, qu on les laifleroit libres dans leur Religion, et qu on rem- meneroit les miniftres ; enfuite comme on leur voulut faire quelques prefents lorfque les Abnaquis eurent vu ce qu on leur pre- fentoit, ils dirent a 1 Anglais voilade beaux prefens que vous nous faites, apres toutes les obligations que vous nous avez, nous vous avons rendu tous les An glais que nous avions pris en guerre, nous les avons traites comme nos en- fants et comme nous memes, au lieu de les maltraiter comme vous nous maltraitiez quand vous aviez pris quelques uns de St. Franqois de Sales. 25 uns de nos gens, et voila les beaux pre- fents que vous nous faites pour nous re- compenfer de ces grandes obligations que vous nous avez, gardez vos prefents. En- fuite neanmoins, ils les adoucirent et re- furent, et ne fe rendirent point aux invi tations qu on leur fit d aller manger dans le vaifleau avec les deputes des Anglais, qui les voyant toujours comme les Abna- quis avec le pavilion franfais, leur demanderent f ils n avoient point de pa vilion de la couleur de celui des Anglais, ajoutant qu on leur en donneroit un, f ils n en avoient point ; ils les remer- cierent, et fe lierent toujours avec le pavilion francais. Voila a peu pres, mon R. S. les principales reponfes qu ont fait les Abnaquis aux Anglais, qui font voir Tattache que ces fauvages ont pour la Religion Catholique et pour les fran9ais. Comme j apprends en chemin pour Que bec que la plupart des vaiffeaux font partis D 26Dela Mijfion de St. F. de Sales. et que le refte va bientot partir, je fuis oblige de finir ici cette petite relation pour avoir un peu de temps d ecrire quelque lettres en france. Je fuis avec refpedl, Mon Reverend Pere Votre tres humble et tres obeiffant ferviteur JACQJJES BIGOT, de la Cie de Jefus. UNIVERSITY OF CALIFORNIA LIBRARY BERKELEY Return to desk from which borrowed. This book is DUE on the last date stamped below, LD 21-100m-ll, 49(B7146sl6)476 THE UNIVERSITY OF CALIFORNIA LIBRARY